Le colloque du REFUTS se propose d’aborder les catégorisations binaires à différentes échelles:

  • échelle des « usagers/bénéficiaires/clients »
  • échelle des « professionnels du social »
  • échelle des « arrangements organisationnels/services sociaux »
  • échelle des « dispositifs réglementaires »
  • échelle des « discours politiques ».

D’une manière générale, les différentes catégorisations binaires retenues ci-dessous peuvent faire l’objet d’une réflexion, d’une mise en débat ou d’une analyse à une ou plusieurs de ces échelles. Ceci étant dit, les contributions peuvent couvrir tous les « secteurs » ou « champs » du travail social et éducatif : santé, migration, famille, travail, éducation non-formelle, handicap, etc.

Aides en nature – aides en espèces

Aides/prestations en nature – aides/prestations en espèces

Les règlementations en matière d’aide sociale opèrent très souvent une distinction selon cette catégorisation. Les considérations d’ordre politique ou professionnel y rattachées mobilisent de manière plus ou moins directe d’autres dichotomies « inhérentes » travail social et éducatif, qui se rapportent notamment aux questions de l’« oisiveté » et du possible « abus de confiance/ressources ». Au Luxembourg, pour ne citer que cet exemple, la question de la forme d’aide est par ailleurs liée à dichotomie entre résidents et frontaliers. Par ailleurs, il semblerait qu’on assiste à un glissement vers les prestations en nature, surtout aussi lorsqu’il revient à aider les plus « démunis ». Les contributions adresseront notamment les questions suivantes : Comment le pendule de la redistribution sociale a oscillé entre les deux pôles de la dichotomie dans le temps, notamment aussi en fonction des domaines/secteurs distingués ? Quels sont les discours rattachés à l’un ou l’autre pôle ? Comment les organisations caritatives ou les professionnels se situent-ils dans ce débat ? etc.

 

 

 

 

Professionnel – amateur

Professionnel – amateur (mais aussi : salarié – bénévole)

Comme Wagner (1981) le suggère à propos de l’anthropologue, est-ce que nous ne serions pas tous des travailleurs sociaux ? Ce qui est en quelque sorte mis « cause » par cette dichotomie est l’invention même de la notion de profession et de sa réglementation – on est de retour à la distinction entre individu et Etat. C’est peut-être dans le domaine de l’éducation des enfants que la frontière entre professionnel et amateur, en les figures de l’éducateur/-rice professionnelle et les mères/pères par « vocation », est la plus débattue. Qu’est-ce qui fait une bonne éducatrice ? L’expérience de la maternité et le fait d’avoir élevé soi-même des enfants ? La connaissance de techniques éducatives spécifiques ? La question de la professionnalité est régulièrement aussi un objet de débat dans le cas de « crises », comme pour la récente « crise des réfugiés ». Dans le quotidien des organisations, amateurs et professionnels se côtoient aussi en tant que membres du conseil d’administration (de l’association) et personnel à titre rémunéré. Les contributions adresseront notamment les questions suivantes : Quel est cet imaginaire qui est mobilisé par l’idée de professionnel ? Quels sont les effets de cette distinction sur l’invention des problèmes sociaux ? Faut-il que les problèmes soient qualifiées de complexe pour mériter un traitement dit professionnel ? Comment la distinction entre professionnel et bénévole a-t-elle évoluée dans le temps et selon les lieux ? Quels sont les modes de coopération sur le terrain entre professionnels et amateurs, qu’il s’agisse au sein d’associations sans but lucratif, dans le cadre de l’aide humanitaire ou ailleurs ?

 

 

 

Initiative publique – initiative privée

Initiative publique – initiative privée

La question de l’organisation de l’aide et, ceci dit, de la répartition des « rôles » entre l’Etat et les organisations privées est un sujet de débats continuels. Les tenants d’une intervention étatique forte invoquent souvent que l’Etat peut constituer le seul garant d’une solidarité nationale et d’une équité de traitement. Les opposants et partisans d’un modèle de subsidiarité, de leur côté, considèrent que l’Etat ne doit intervenir qu’en dernière instance et laisser l’initiative aux citoyens. La dichotomie public/privé revêt toutefois encore d’autres dimensions, comme par exemple celle attachée à la place et à la responsabilité respectivement de la famille et de l’Etat dans l’éducation des enfants. Les contributions peuvent notamment se rapporter aux questions suivantes : Comment les rapports entre Etat et organismes privés ou encore entre famille et initiative publique se sont-ils déplacés dans le temps ? Quels sont les effets d’un glissement de l’initiative de l’un à l’autre côté et vice versa, notamment sur les plans financiers, organisationnels, conceptuels ? Quels sont les expériences des travailleurs sociaux et éducatifs dans configurations « hybrides » où des organisations privées travaillent en sous-traitance ? Quels effets la tendance à la défamiliarisation de l’éducation produit-elle sur les organisations, les professionnels ou les enfants avec leurs parents ? etc.

 

 

 

Indépendant - dépendant

Indépendant/autonome – dépendant (mais aussi : apte – inapte ; compétent – incompétent)

Cette catégorisation binaire, qui prend des dénotations variables selon les domaines distingués, semble fondamentalement liée à la dichotomie individu/société et à échelle plus petite à la dichotomie individu/groupe. D’une certaine manière, la dichotomie indépendant/dépendant est inscrite au plus profond de l’imaginaire collectif de la « culture occidentale » en les figures de la personne en tant que « individu » et « acteur » et d’une substance totalisante sitôt dénommée « structure », « système » ou « institution ». Nous trouvons cette catégorisation également inscrite dans les imageries liées au bien-être d’autrui (des enfants, des adultes dites incapables au discernement …) ainsi qu’aux idées de l’Etat-providence. Les contributions adresseront notamment les questions suivantes : Comment la catégorisation en tant qu’autonome ou dépendant est-elle inventée dans différentes réglementations par rapport aux bénéficiaires ? Quels en sont les effets, notamment en termes de stratification des usagers/bénéficiaires/clients selon différents degrés d’autonomie ou de dépendance ? Comment les travailleurs sociaux répliquent ou liquéfient ces catégorisations dans leur travail ? Quelles stratégies créatives mettent-ils en œuvre ? Et comment les usagers/bénéficiaires/clients eux-mêmes mettent-ils en scène leur autonomie/dépendance dans les relations aux travailleurs sociaux et éducatifs ? etc.

 

Polyvalence – spécialisation

Polyvalence – spécialisation

Un autre débat continuel tourne autour de la division et de la différenciation des aides/prestations/services en fonction des besoins/problèmes/demandes des usagers/clients/bénéficiaires. De manière indirecte, c’est toute la notion de professionnalité qui est mise jeu. De quel professionnel avons-nous besoin ? Les adeptes de la spécialisation invoquent notamment la nécessité d’une optimisation des services, que ce soit en termes de « flux » des usagers/clients/bénéficiaires ou d’adéquation entre « problème » et « solution ». En même temps, ils argumentent que la qualité et l’efficience des services serait fonction de l’expertise du professionnel, c’est-à-dire de la quantité de cas similaires traités. Par contre, les défenseurs de la polyvalence attirent l’attention sur le risque de morcellement des personnes-clientes, ces dernières n’étant plus prises en charge dans leur globalité. Les contributions adresseront notamment les questions suivantes : Comment les services et les professions se sont-ils recomposés dans l’espace et le temps selon le pôle vers lequel la balance a penché ? Quels sont les discours politiques, associatifs et professionnels en relation avec la dichotomie ? Quels sont les effets produits respectivement par la polyvalence et la spécialisation sur les usagers/clients/bénéficiaires ? Comment les professionnels pratiques-ils la spécialisation dans leur quotidien ? etc.

 

 

Coordination/couplage fort – coordination/couplage faible

Coordination/couplage fort – coordination/couplage faible

Cette dichotomie est en quelque sorte liée à la précédente. Au fil du temps et avec le découpage des aides/prestations/services en des catégories de plus en plus fines la question de la coordination et de la mise en réseau a gagné en importance. Notamment au Luxembourg, il existe un débat animé sur la « continuité » de l’accompagnement social et éducatif. Dans le domaine de l’aide à l’enfance et aux familles des postes de « coordinateurs de projets individualisés » ont été créés. Dans d’autres domaines comme celui de l’orientation professionnelle, des services de « même » type et conventionnés avec ministères différents ont été regroupés sous un même toit. En Allemagne, notamment dans le domaine de l’aide à l’enfance on parle depuis les années 1990 des aides/prestations intégrées. Eviter l’effet dit de « porte tournante » et réduire les « abus de prestations multiples » ne constituent que deux arguments en « faveur » d’un couplage plus fort. Un effet « secondaire » concerne le recours à des bases de données partagées entre services ou professionnels. Les contributions peuvent notamment se rapporter aux questions suivantes : Comment les discours et les pratiques de coordination ont-ils évolué dans le temps ? Comment la question de la coordination se répercute-t-elle sur le secret professionnel ? Quels sont les éventuels effets d’un couplage fort sur les usagers/clients/bénéficiaires, mais surtout aussi la relation entre professionnels et usagers ? etc.

 

 

Indigène - étranger

Indigène/national – étranger

Les frontières de cette distinction peuvent être spatiales, matérielles, idéelles ou émotionnelles. Selon le domaine (immigration, aide sociale, santé, etc.) elle s’exprime à travers d’autres « statuts » : migrant, frontalier, réfugié, demandeur d’asile, débouté de protection internationale, citoyen EU, résident national, ayant droit, etc. A chaque fois, il est question de l’accès à des droits liés au traçage de lignes de démarcation selon une logique d’inclusion/exclusion. Les contributions peuvent notamment se rapporter aux questions suivantes : Comment le travail de catégorisation s’est-il déplacé à travers le temps en retraçant les frontières légales, morales, etc. ? Dans quelle mesure la réplication de cette dichotomie à travers différentes échelles et selon des découpages divergents peut-elle être source de contradictions ? Comment dans les rencontres entre travailleurs sociaux et usagers/bénéficiaires/clients ces découpages sont-elles réinventées ? Qu’est-ce qui devient visible en termes de travail de bricolage et de créativité ? etc.

 

 

Responsable - irresponsable

Responsable – irresponsable (mais aussi : coupable/fautif -non coupable/non fautif ; diligent/oisif ; digne/indigne)

Voilà une catégorisation binaire qui semble a priori aussi vieille que l’humanité. De ce point de vue, des analyses spatio-temporelles sont particulièrement bienvenues. Elle semble par ailleurs être étroitement liée à une autre distinction « fondamentale » en lien avec la dichotomie individu/société, à savoir celle entre personne et environnement. A qui notamment la responsabilité ? Aux mauvaises conditions environnementales ou à l’irresponsabilité individuelle ? Et puis, l’aide ne doit-elle pas revenir de manière prioritaire à ceux qui sont « vraiment » dans le besoin ? Mais comment les délimiter ? Les contributions à cet horizon binaire s’intéresseront notamment aussi aux questions suivantes : Comment les relations entre la personne et son environnement sont conceptualisées dans différentes configurations (légales, organisationnelles, professionnelles) ? Comment ces catégorisations sont-elles mises en œuvre dans les rapports entre professionnels et usagers/bénéficiaires/clients notamment en vue de la délimitation de la responsabilité des personnes-en-société ? etc.

 

Autres catégorisations binaires

Autres catégorisations binaires

Les potentiels intervenants sont libres de proposer d’autres catégorisations binaires pour leur communication. En effet, la liste ci-avant ne se veut pas exhaustive. Nous encourageons explicitement la soumission de propositions qui éclaircissent des découpages moins « classiques ».