Pré-colloque

Les séminaires de pré-colloque s’adressent d’habitude aux jeunes chercheurs et aux étudiants avancés dans l’optique de leur permettre de présenter et de discuter leurs travaux de recherches avec des chercheurs expérimentés. Selon le cas, les séminaires de pré-colloque englobent encore des ateliers de méthodologie de la recherche.Les séminaires de pré-colloque 2018 s’inscrivent dans une « perspective » quelque peu différente. En effet, ils mettront à contribution le mouvement à la fois « théorique » et « méthodologique » réalisé par Claude Haas et Thomas Marthaler – enseignants-chercheurs auprès de l’institut de recherche IRISS à l’Université du Luxembourg et co-organisateurs du colloque 2018 – et leurs multiples collaborateurs, dont notamment Nicolas Uhler, au cours des quatre dernières années. Comme la conception générale du colloque s’inscrit dans la mouvance de ces travaux, les séminaires de pré-colloque constituent, pour ceux qui s’y intéressent, une occasion de se familiariser davantage avec la dite « theory of scales » (2015a, 2015b, 2017) et quelques-unes de ses « applications » (2016).

La « theory of scales » et ses différentes applications à la recherche, à l’enseignement et à la pratique professionnelle du travail social et éducatif trouvent leur inspiration dans les travaux de différents auteurs à vocation poststructurelle ou postplurielle, dont notamment les anthropologues sociaux Marilyn Strathern (1990, 1995, 2004a, 2004b et 2013), Roy Wagner (1981, 1986 et 2001) et Annemarie Mol (1998, 2002), le sociologue Andrew Abbott (2001 et 2004), mais aussi différents chercheurs en STS, comme p. ex. Casper Brunn Jensen (2007 et 2010) ou Christopher Gad (2013).

Dans sa portée générale, la « theory of scales » s’apparente plutôt à une « ontologie heuristique » visant à être sensible et à rendre visible le travail d’invention permanent de personnes-en travail-scalaire-en-des-lieux-dans-le-temps. La notion de travail scalaire renvoie à l’activité humaine de découpage du « monde » en entités ou éléments symboliques sitôt mis en relation. Par rapport au dit « pluralisme occidental », elle se rapporte plus particulièrement à la manière dont nous regroupons ces entités (une multitude d’individus, de classes, d’organisations, etc.) en domaines à différents niveaux ou magnitudes. En référence à Wagner (1981), la « theory of scales » considère que les entités en question ne revêtent un sens qu’à travers leurs multiples associations contextuelles. De ce point de vue, elle s’inscrit dans une approche relationnelle (d’où aussi les traits d’union dans la « formule » ci-avant) tout en postulant que la « réalité » est « fractale » ou multiple. En suivant l’argumentation développée par Mol (1999 et 2002), la « theory of scales » considère en effet que la « réalité » n’est pas observée, mais plutôt performée par les personnes-en travail-scalaire-en-des-lieux-dans-le-temps.

Au cours du temps, les travaux et expérimentations de Haas et Marthaler ainsi que de leurs collaborateurs ont débouché sur l’invention d’une méthodologie de recherche originale tout comme une « autre manière » d’enseigner à l’université. En même temps, ils ont réinventé le travail social et éducatif en tant que travail de bricolage relationnel et scaléo-sensible. La notion de bricolage renvoie dans ce contexte à la fugacité et, par conséquent, à l’imprévisibilité du travail scalaire des personnes. En ce sens, le « fait » de bricoler n’a rien d’embarrassant faute d’une meilleure planification, mais fait partie de l’« art » inventif et créatif du travailleur social et éducatif. Notons encore que dans le contexte de leur travail de « conceptualisation », Haas et Marthaler recourent d’une manière créative aux images du fractale (notamment la poussière de Cantor et l’ensemble de Mandelbrot) et du cyborg.

En espérant que ces quelques explications partielles vous incitent à vouloir en savoir plus, Haas et Marthaler ainsi que leurs collaborateurs vous donnent rendez-vous le 1er juillet de 14.00 à 17.30 heures. L’organisation des séminaires dépendra du nombre de personnes inscrites. D’un point de vue contenu, les participants auront l’occasion de découvrir à la fois les applications recherche, enseignement et travail social de la « theory of scales ».

 

Haas C. & Marthaler, T. (2015a). Vom Mappen zum Skalieren von sozialen Feldern.  Matrix Working Paper Series. Working Paper 1 (19.p). Luxembourg: Université du Luxembourg.

Haas C. & Marthaler, T. (2015b). Vom Individuum und Akteur zur relationalen Person.  Matrix Working Paper Series. Working Paper 2 (20.p). Luxembourg: Université du Luxembourg.

Haas, C., Marthaler, T. & Uhler, N. (2016). Gemeinwesenarbeit als relationale skalierungssensible Örtlichkeitsarbeit. Matrix Working Paper Series. Working Paper 7 (11.p). Luxembourg: Université du Luxembourg.

Marthaler, T. & Haas, C. (2016). Arrangieren und Relationieren. Ein etwas anderer Zugang zur Wohlfahrtsgeschichte. Sozial Extra, 40(1), 39 – 42

Marthaler, T. & Haas, C. (2017). Politische, soziale und rechtliche Systeme und der ”westkulturelle Pluralismus”. Matrix Working Paper Series. Working Paper 10 (22 p.). Luxembourg: Université du Luxembourg

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Abbott, A. (2001). Chaos of Disciplines. Chicago: The University of Chicago Press.

Abbott, A. (2004). Methods of Discovery. Heuristics for the Social Sciences. New York: Norton & Company.

Gad, C. (2013). A Postplural Attitude. Reflections on subjectivity and ontology. NatureCulture, 2(1), pp. 50-79.

Jensen, C. B. (2007). Infrastructural fractals: revisiting the micro – macro distinction in social theory. Environment and Planning D: Society and Space, 25(5), 832-850. doi:10.1068/d420t.

Jensen, C. B. (2010). Ontologies for Developing Things. Making Health Care Futures Through Technology. Rotterdam: Sense Publishers.

Mol, A. (1999). Ontological politics. A word and some questions. In: J. Law & J. Hassard (Ed.), Actor Network Theory and after (pp. 74-79). Oxford: Blackwell Publishing.

Mol, A. (2002). The Body Multiple: Ontology in Medical Practice. Durham & London: Duke University Press.

Strathern, M. (1990). The Gender of the Gift. Berkeley: University of California Press

Strathern, M. (1995). The Relation: Issues in Complexity and Scale. Cambridge: Prickly Pear Press.

Strathern, M. (2004a). Partial Connections (2nd ed.). Walnut Creek: Rowman & Littlefield.

Strathern, M. (2004b). The Whole Person and Its Artifacts. Annual Review of Anthropology, 33, 1-19. doi: 10.1146/annurev.anthro.33.070203.143928.

Strathern, M. (2013). Environments within: An ethnographic commentary on scale. In M. Strathern (Ed.), Learning to see in Melanesia (pp. 207-239). Manchester: HAU Society for Ethnographic Theory.

Wagner, R. (1981). The Invention of Culture (2nd ed.). Chicago: The University of Chicago Press.

Wagner, R. (1986). Symbols that Stand for Themselves. Chicago: The University of Chicago Press.

Wagner, R. (2001). The Anthropology of the Subject. Holographic Worldview in New Guinea and Its Meaning and Significance of the World of Anthropology. Berkeley: University of California Press.