L’ingénierie sociale en Europe – Quel rôle pour les travailleurs sociaux et les «personnes concernées»? – Toulouse (FRA) – 2016

 

L’objectif du colloque est d’interroger une fonction particulière, nommée en France l’ingénierie sociale. C’est-à-dire une forme d’expertise des besoins sociaux qui permet la mise en œuvre de dispositifs pertinents d’intervention dans les champs : social, médico-social, éducatif ou sanitaire.

Selon une définition possible, l’ingénierie correspond à une fonction « d’assemblier » qui aide à trouver des solutions partagées (projets) dans un champ sociétal où les pouvoirs, les compétences et les expertises sont répartis entre des acteurs multiples. Elle comporte des compétences –d’observation—d’analyse de l’environnement (besoins, positionnement des acteurs) – d’identification des leviers d’actions– de conduite et d’accompagnement de projets adaptés aux réalités territoriales—d’évaluation. C’est une capacité à mobiliser des ressources au service d’un projet collectif ou encore une maîtrise d’œuvre intelligente.

Selon un auteur : « Face à l’augmentation du chômage, à la paupérisation de nombreux groupes sociaux, à la dégradation de zones urbaines, de nouvelles méthodes d’intervention sont prises pour lutter contre l’exclusion et favoriser le développement de la vie sociale. L’ingénierie sociale propose des méthodes visant à conduire autrement des projets de développement dans des champs aussi divers que l’habitat social, la création d’emploi, l’éducation, l’insertion des jeunes, mais aussi l’activité sociale et culturelle (…). Trois grandes orientations caractérisent l’ingénierie sociale : – une méthodologie fondée sur l’analyse de situations complexes, l’élaboration des projets collectifs et la mise en œuvre de stratégies du développement: – une transformation des modes d’interventions institutionnels qui favorise le développement de l’action concertée et les capacités de mobilisation des auteurs sociaux, des usagers et des citoyens: – une évaluation dynamique des programmes et des projets basée sur l’implication des acteurs concernés et l’intégration permanente de la réflexion et de l’action » (V de Gaujelac).

Pour le dire autrement, l’ingénierie sociale est une forme d’expertise des ‘problèmes sociaux’ fondée sur des savoirs des sciences humaines, et qui doit permettre la mise en œuvre d’interventions/d’actions sociales.

Faire de l’ingénierie sociale nécessite donc des compétences, la mise en œuvre de savoirs théoriques – issus des sciences humaines – et ‘techniques’ aussi bien le recours à des méthodes d’enquête, de diagnostic que pour conduire et accompagner les projets.

La fonction – ni manageur, ni gestionnaire, ni auditeur, ni chercheur  – apparaît relativement hybride et pose sans doute des questions au plan de la posture à adopter, tant auprès des publics cibles des politiques que des commanditaires de ces politiques (gouvernements, administrations locales…).

Enfin, le contexte politique et social au sein duquel cette fonction se déroule mérite sans doute d’être pris en compte. De manière générale, et il sera intéressant de préciser ce qu’il en est selon les contextes nationaux, l’Etat social est, on le sait, en profonde recomposition. Né au sein de l’Etat-nation, suite à la révolution industrielle, l’Etat social ‘ancien’ serait trop passif (d’où l’idée d’activation des politiques sociales), peu adapté aux nouvelles vulnérabilités, aux nouveaux risques. Le New Public Management ainsi que la mise en concurrence des services seraient à même de le rendre plus efficace…Quant à la participation des « personnes concernées », elle constitue un axe stratégique de la politique sociale européenne pour moderniser son modèle social, « construire progressivement une Europe sociale, plus soucieuse de ses ressources humaines, plus proche des citoyens et plus concernée par leur bien-être ».

Au travers de cette fonction, ce que le colloque invite à réfléchir, c’est la part que prennent dans la mise en place, en œuvre et l’adaptation des politiques sociales, deux catégories d’acteurs : les travailleurs sociaux et les « personnes concernées ».