Les transitions dans les parcours de vie : entre crises socio-économiques, politiques publiques et pratiques professionnelles – Luxembourg (LU) – 2013

Thématique générale du colloque

S’il y a bien une notion qui, au cours des trois dernières décennies, a traversé les débats politiques, professionnels et scientifiques sur l’intégration professionnelle et sociale des individus dans la « société à risques » (Beck 1986), c’est celle d’insertion. Un peu partout en Europe, avec la France en tête de liste, elle a été à la base de l’institutionnalisation d’un nouveau champ de l’action publique et, partant, de l’intervention sociale (Autès 1999). Cette histoire de succès, la notion d’insertion le doit aussi à son couplage étroit à celle d’exclusion (Castel 2003).

Dans ce contexte, la notion de transition n’a longtemps joué qu’un rôle de second plan Comme le note Walther (2013) à propos de la pédagogie sociale allemande, la vision programmatique d’une recherche sur les transitions dans les parcours de vie axée sur les individus et, partant, d’une pédagogie sociale des transitions n’allait pas de soi jusqu’il y a quelques années encore. Depuis, le nombre de publications faisant directement référence à la notion de transition a nettement augmenté. A titre d’exemple récent, on peut citer le « Handbuch Übergänge » de Böhnisch et al. (2013), qui réunit des contributions d’une multitude d’auteurs s’intéressant de près à la question des transitions et de leur gestion/management par les institutions socio-éducatives.

Que la question des parcours de vie et des transitions dans les parcours de vie est aujourd’hui de « retour » sur l’agenda politique et mobilise les chercheurs en sciences sociales ou en sciences de l’éducation, peut s’expliquer d’abord par leur déstandardisation dans la société moderne tardive (Walther 2013) ou, pour emprunter une autre expression, par leur ré-institutionnalisation sur une base flexible ou précaire (Sennett 1998). Cette déstandardisation ou ré-institutionnalisation s’est d’abord réalisée dans le contexte du passage de l’école au travail avec l’émergence des politiques de l’insertion en tant qu soi-disant effet secondaire. Entretemps, elle s’est littéralement diffusée sur l’ensemble du (par)cours de vie. Ainsi, les transitions se rapportant à l’enfance et au passage entre l’enfance et l’adolescence, de même qu’à la vieillesse sont désormais de plus en plus thématisées dans la littérature. En même temps, les recherches ne se concentrent plus seulement sur l’éducation et l’emploi, mais abordent des thèmes comme la parentalité, la migration ou encore le logement (Walther 2013).

D’une manière générale, les transitions dans les parcours de vie peuvent être abordées selon au moins trois angles de vue complémentaires (Walther & Weinhardt 2013). Le premier, et sans doute le plus courant, se réfère aux différents âges de la vie. Le second se rapporte aux différents domaines de vie, qu’il s’agisse de transitions dans l’emploi, l’éducation, la famille encore le logement, ainsi qu’aux problèmes sociaux s’y rapportant, comme par exemple le chômage, le décrochage scolaire, la séparation/le divorce ou la précarité du logement. Enfin, le troisième angle de vue concerne les multiples champs de l’intervention sociale et les services sociaux en tant que mesures d’aide à la transition – services de conseil, d’accueil en urgence ou de dépannage, foyers de jour et/ou nuit, logements encadrés ou accompagnés, etc. A ces trois perspectives, on peut encore ajouter celle des concepts et méthodes visant à assurer une continuité de transition, comme c’est le cas notamment pour le case management/la gestion des cas.

Quatre axes thématiques prioritaires

Le programme du colloque est construit autour de quatre axes prioritaires. Le premier vise à interroger les usages de la notion de transition à la fois dans les contextes politique scientifique. Le second aborde les transitions dans les parcours de vie à partir de l’actuel contexte de crise économique et sociale, qui a engendré des coupes massives dans les prestations sociales dans de nombreux pays européens. Les politiques et les programmes mis en œuvre, tant à un niveau international que national, face à la déstandardisation et à la flexibilisation des parcours de vie servent de troisième point d’entrée. Enfin, le quatrième axe s’intéresse directement aux services sociaux et les dispositifs d’intervention ainsi que pratiques professionnelles mis en place, dans une perspective à la fois institutionnelle, professionnelle et usager.

Axe 1 :     Significations, conceptualisations théoriques et usages de la notion de transition

La notion de transition est entourée d’un certain flou, en raison aussi de son usage entretemps quelque peu inflationnaire au quotidien. Un détour par les différentes manières dont elle est théorisée, que ce soit en sociologie, pédagogie sociale, psychologie ou dans d’autres domaines disciplinaire, semble ainsi incontournable dans un premier temps. En même temps, il apparaît pertinent de s’interroger sur les façons dont la notion de transition est appréhendée dans le débat public.

Les conférences et workshops s’inscrivant plutôt dans ce premier axe abordent la notion de transition à partir d’une ou de plusieurs des questions suivantes données à titre indicatif : Selon quelles perspectives (critiques) la notion de transition peut-elle être abordée ? Comment est-elle conceptualisée dans les recherches, qu’elles soient psychosociales, sociologiques ou sociopédagogiques ? Quelles sont d’éventuelles controverses soulevées par le recours à la notion de transition ? Par ailleurs, quels en sont les usages dans la sphère politique et, plus particulièrement, au niveau des politiques sociales ? A quelles rationalités ces usages répondent-ils ? Dans quelle mesure ne peut-on pas parler de nouvelles logiques de standardisation des parcours de vie ?

Axe 2 :    Crise économique et sociale, restructurations de l’Etat social et transitions dans les parcours de vie

Ce n’est pas que depuis la crise économique actuelle que les Etats sociaux en Europe, tels qu’ils s’étaient édifiés à la suite de la deuxième guerre mondiale, se trouvent dans un processus de restructuration de se restructurer par le bias notamment d’une politique de marchandisation, d’activation, de réindividualisation ou encore de remoralisation. Toutefois, la crise actuelle se distingue par une violence inconnue jusqu’ici, en particulier dans les pays du Sud de l’Europe.

Les conférences et workshops se rapportant plus particulièrement à cet axe thématique tentent d’en mettre en évidence les répercussions sur les parcours de vie et les transitions : Quels sont les effets de la crise sur la vie des citoyens ? Quelles en sont les répercussions sur les prestations de l’Etat social ? Comment les transitions dans les parcours de vie en sont impactés ? Comment s’y manifeste en particulier le phénomène des « NEET » (Not in Education, Employment or Training) ? etc.

Axe 3 :    Politiques et programmes européens et nationaux de management/gestion des transitions

La « nouvelle » préoccupation pour l’accompagnement institutionnel des transitions dans les parcours de vie s’est traduite à un niveau politique par la promotion et la mise en place de toute une série de programmes, que ce soit dans le domaine de l’emploi, de l’éducation ou encore de la famille. Des notions comme celles de flexicurité, de validation des acquis de l’expérience, de conciliation entre vie professionnelle et familiale, d’éducation tout au long de la vie, de coordination et de partenariat, etc. constituent en quelque sorte les maîtres-mots au cœur de ces programmes visant à une flexibilisation dans la sécurité.

Les conférences et ateliers de ce troisième axe se proposent d’analyser de manière critique ces politiques et programmes à un niveau tant européen que national : Comment les transitions dans les parcours de vie y sont conçues ? Sur quelles rationalités se fondent-ils ? Quels en sont les effets sur l’intervention sociale en tant que champ d’action et pratique professionnelle ? Quelles contradictions et quels champs de tensions se laissent identifier dans la mise en œuvre de ces programmes ? Quelles critiques sont formulées à leur égard et quelles conceptions rivalisantes viennent contester leur hégémonie ? etc.

Axe 4 :    Services sociaux, mesures d’intervention et pratiques professionnelles

En raison de sa position de marginal-sécant à l’interface notamment des systèmes éducatif et social, l’intervention sociale occupe depuis toujours une fonction de « gate-keeper » dans les parcours de vie. « Case management », « mentoring », « coaching », voilà seulement quelques-uns des anglicismes qui sont actuellement à la une des pratiques au sein des services sociaux. « Continuity of care », « institutional networking », « service integration » constituent d’autres termes très en vogue. Derrière chacun de ces termes se cachent des réalités organisationnelles et professionnelles diverses, mais qui sont unies par leur recherche d’une continuité ou transition douce dans les parcours de vie des individus.

Les conférences et ateliers se rapportant à cet axe s’intéressent plus particulièrement aux mesures d’intervention et pratiques professionnelles, à la fois dans une perspective institutionnelle, professionnelle et des usagers : Quelles sont les logiques d’action propres à ces mesures et pratiques ? Quels champs de tension et contradictions peuvent être identifiés dans la pratique? Comment les usagers/clients interprètent et font face à ces mesures et pratiques ? etc.